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 Récits du 17e siècle en Nouvelle-France: Lahontan

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Martin Regimbald
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MessageSujet: Récits du 17e siècle en Nouvelle-France: Lahontan   Récits du 17e siècle en Nouvelle-France: Lahontan EmptySam 25 Juil 2009 - 12:33

Voici des extraits non autorisés des Nouveaux Voyages de M. Le Baron de Lahontan dans l’Amérique Septentrionale, du Baron de Lahontan. Ces Voyages sont composés de lettres adressées à sa Majesté Frédéric IV, roi du Danemark et de Norvège pendant près de 10 ans que Lahontan a passés en Nouvelle-France comme militaire du régiment de Bourbon. Cultivé, curieux et observateur, il offre un regard différent sur les Sauvages (ses amis Algonquiens et ses ennemis jurés les Iroquois) et leurs relations avec les Français et les Anglais. Lahontan n’était pas cartographe, ni sociologue ni ethnologue. Ses récits sont parfois déformés, exagérés et même erronés. Ils offrent cependant une fenêtre sur la vie en Nouvelle-France au 17e siècle.

Source : Lahontan ; Nouveau voyages en Amérique septentrionale, Louis-Armand de Lom d’Arce, baron de Lahontan, présenté par Jacques Collin, Ed. L’Hexagone/Minerve, 1983, Montréal, 346 pages.
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MessageSujet: Re: Récits du 17e siècle en Nouvelle-France: Lahontan   Récits du 17e siècle en Nouvelle-France: Lahontan EmptySam 25 Juil 2009 - 12:34

Lettre du 14 juin 1684 …Montréal et les coureurs des bois...

...
Il n'y a que les marchands qui trouvent leur compte, car les Sauvages des Grands Lacs du Canada descendent ici presque tous les ans, avec une quantité prodigieuse de castors qu'ils échangent pour des armes, des chaudières, des haches, des couteaux et mille autres marchandises sur lesquelles on gagne jusqu'à deux cents pour cent. Les gouverneurs généraux s'y trouvent ordinairement dans ce temps-là pour partager le gâteau et recevoir les présents de ces peuples. Ce séjour me paraît assez agréable l'été, car on dit qu'il y pleut assez rarement en cette saison-là.

Les coureurs de bois portent d'ici tous les ans des canots pleins de marchandises chez toutes les nations sauvages de ce continent, d'où ils rapportent de bons castors. J'en ai vu revenir, il y a sept ou huit jours, vingt-cinq ou trente chargés excessivement. Il n'y avait que deux ou trois hommes pour conduire chaque canot qui portait vingt quintaux de pesanteur, c'est-à-dire quarante paquets de castors, valant cent écus chacun. Ils étaient demeurés un an ou dix-huit mois en leur voyage. Vous seriez surpris de voir les débauches, les festins, les jeux et les dépenses que ces coureurs de bois font tant en habits qu'en femmes, dès qu'ils sont arrivés. Ceux qui sont mariés se retirent sagement chez eux, mais ceux qui ne le sont pas sont comme les matelots qui viennent des Indes, ou de faire des prises de course. Ils dissipent, mangent, boivent et jouent tout pendant que les castors durent, et quand ils sont à bout, ils vendent dorures, dentelles et habits. Ensuite, ils sont obligés de recommencer des voyages pour avoir lieu de subsister.
...

Source : Lahontan ; Nouveau voyages en Amérique septentrionale, Louis-Armand de Lom d’Arce, baron de Lahontan, présenté par Jacques Collin, Ed. L’Hexagone/Minerve, 1983, Montréal, 346 pages.
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MessageSujet: Re: Récits du 17e siècle en Nouvelle-France: Lahontan   Récits du 17e siècle en Nouvelle-France: Lahontan EmptySam 25 Juil 2009 - 12:34

Extraits de la lettre du 18 juin 1684 … Les Iroquois…

...
Ces barbares composent cinq cantons … Le langage est presque égal dans les cinq villages éloignés de trente lieues les uns des autres, et situés près de la côte méridionale du lac Ontario ou de Frontenac. Ils appellent les cinq villages les cinq cabanes, qui tous les ans s'envoient réciproquement des députés pour faire le festin d'union et fumer dans le grand calumet des cinq nations. Chaque village contient environ quatorze mille âmes, à savoir 1500 guerriers, 2000 vieillards, 4000 femmes, 2000 filles et 4000 enfants; quoique plusieurs ne fassent monter ce nombre des habitants de chaque village qu'à dix ou onze milles. Ces peuples sont alliés des Anglais depuis longtemps et, par le commerce des pelleteries qu'ils font avec les gens de la Nouvelle York, ils ont des armes, des munitions et tout ce qui leur est nécessaire, à meilleur marché qu'ils ne l'auraient des Français. Ils ne considèrent ces deux nations que par rapport au besoin qu'ils ont de leurs marchandises, quoi qu'elles leur coûtent beaucoup, car ils les paient quatre fois plus qu'elles ne valent. Ils se moquent des menaces de nos rois et de nos gouverneurs, ne connaissent en aucune matière le terme de dépendance, ils ne peuvent pas même supporter ce terrible mot. Ils se regardent comme des souverains qui ne relèvent d'autre maître que de Dieu seul qu'ils nomment le Grand Esprit.

Ils nous ont presque toujours fait la guerre depuis l'établissement des colonies du Canada, jusqu'aux premières années du gouvernement de M. le comte de Frontenac. Messieurs de Courcelle et de Tracy, gouverneurs généraux, ont fait quelques campagnes l'hiver et l'été par le lac Champlain contre les Agniers, avec peu de succès. On ne fit que brûler leurs villages, et enlever quelques centaines d'enfants, d'où sont sortis les Iroquois chrétiens dont je vous ai parlé. Il est vrai qu'on a vaincu quatre-vingt-dix ou cent guerriers, mais il en coûta bien des membres et la vie même à plusieurs Canadiens et soldats du régiment de Carignan, qui ne s'étaient pas assez munis contre l'horrible froid qui règne dans le Canada. Monsieur le comte de Frontenac, qui releva M. de Courcelles, ayant connu les avantages que ces barbares ont sur les Européens en ce qui regarde la guerre de ce pays-là, n'a pas voulu faire à son tour des entreprises inutiles, et fort onéreuses au roi.
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Source : Lahontan ; Nouveau voyages en Amérique septentrionale, Louis-Armand de Lom d’Arce, baron de Lahontan, présenté par Jacques Collin, Ed. L’Hexagone/Minerve, 1983, Montréal, 346 pages.
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MessageSujet: Re: Récits du 17e siècle en Nouvelle-France: Lahontan   Récits du 17e siècle en Nouvelle-France: Lahontan EmptySam 25 Juil 2009 - 12:35

Extraits de la lettre du 28 juin 1685 … à Chambly, le commerce avec les Sauvages…

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Le petit fort qui est situé au pied du saut sur le bord du bassin de Chambly, n'étant que de simples palissades, ne saurait empêcher que bien des gens n'entreprennent un voyage qui donne tant de profit. Les habitants qui demeurent aux environs sont fort exposés aux courses des Iroquois en temps de guerre. …

Je vis débarquer presque en même temps vingt-cinq ou trente canots de coureurs de bois, chargés de castors venant des Grands Lacs. La charge de chacun était de quarante paquets. Chaque paquet pesant cinquante livres, et valant cinquante écus au bureau des fermiers. Ils étaient suivis de cinquante canots Outaouais et Hurons, qui descendent presque tous les ans à la colonie, pour y faire leurs emplettes à meilleur marché qu'en leur propre pays de Michillimakinac, situé sur le rivage du lac des Hurons à l'embouchure de celui des Illinois. Voici comment ce petit commerce se fait.

Premièrement, ils se campent à cinq ou six cents pas de la ville. Le jour de leur arrivée se passe tant à ranger leurs canots et débarquer leurs marchandises qu'à dresser leurs tentes, lesquelles sont faites d'écorce de bouleau. Le lendemain, ils font demander au gouverneur général une audience, qu'il leur accorde le même jour en place publique.

Chaque nation fait son cercle particulier; ensuite, ces Sauvages étant assis par terre la pipe à la bouche et le gouverneur dans son fauteuil, l'orateur de l'une de ces nations se lève et dit en forme de harangue: «Que ses frères sont venus pour le visiter, et renouveler en même temps avec lui l'ancienne amitié; que le principal motif de leur voyage est celui de procurer l'utilité des Français, parmi lesquels il s'en trouve qui n'ayant ni moyen de trafiquer, ni même assez de force de corps pour transporter des marchandises le long des lacs, ne pourraient manier de castors, si ses frères ne venaient eux-mêmes faire le trafic dans les colonies françaises; qu'ils savent bien le plaisir qu'ils font aux habitants du Montréal, par rapport au profit que ces mêmes habitants en retirent; que ces peaux étant estimées en France, et au contraire les marchandises qu'on leur troque étant de petite valeur, ils veulent témoigner aux Français l'envie qu'ils ont de les pourvoir de ce qu'ils recherchent avec tant d'empressement. Que pour avoir le moyen d'en apporter davantage une autre année, ils sont venus prendre en échange des fusils, de la poudre et des balles, pour s'en servir à faire des chasses plus abondantes, ou à tourmenter les Iroquois, en cas qu'ils se mettent en devoir d'attaquer les habitations françaises; et qu'enfin pour assurer leurs paroles, ils jettent un collier de porcelaine avec une quantité de castors au Kitchi Okima dont ils demandent la protection, en cas qu'on les vole ou qu'on les maltraite dans la ville.»

Le discours fini, l'orateur reprend sa place et sa pipe, pendant que l'interprète en explique le contenu au gouverneur, qui leur répond ordinairement en termes civils, surtout quand le don gratuit est un peu fort. Il leur fait de même un présent de peu de chose, ensuite les Sauvages se lèvent et s'en retournent à leurs cabanes pour se préparer à faire l'échange.

Le jour suivant chaque Sauvage fait porter ses peaux par ses esclaves chez les marchands qui leur donnent à meilleur prix les hardes qu'ils demandent. Tous les habitants de cette ville ont permission de faire ce commerce, il n'y a que celui du vin et d'eau-de-vie qui soit défendu, parce que la plupart de ces Sauvages ayant des castors de reste, après avoir fait leurs emplettes, boivent excessivement et tuent ensuite leurs esclaves. Ils se querellent, se battent, se mangent le nez et se tueraient infailliblement, si ceux qui détestent ces sortes de breuvages ne les retenaient. Il faut que vous remarquiez qu'aucun d'eux ne veut manier de l'or ni de l'argent. C'est un plaisir de les voir courir de boutique en boutique l'arc et la flèche à la main tout à fait nus. Les femmes les plus scrupuleuses portent leur éventail sur les yeux, pour ne pas être effrayées à l'aspect de si vilaines choses; mais ces drôles qui connaissent aussi bien que nous ces jolies marchandes, ne manquent pas de leur offrir ce qu'elles daignent quelquefois accepter, quand elles voient la marchandise de bon aloi. Il y en a plus d'une, s'il en faut croire l'histoire du pays, que la constance et le mérite de plusieurs officiers ne sauraient fléchir, pendant que ces vilains cupidons ont l'entrée libre chez elles. … Quoi qu'il en soit, l'occasion dans un tel cas est d'autant plus pardonnable qu'elle est rare.

Dès qu'ils ont fait leurs emplettes, ils prennent congé des gouverneurs, ensuite ils s'en retournent en leur pays par la rivière des Outaouais. Au reste, ils firent beaucoup de bien aux pauvres et aux riches, car vous saurez que dans ce temps-là tout le monde devient marchand.
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Source : Lahontan ; Nouveau voyages en Amérique septentrionale, Louis-Armand de Lom d’Arce, baron de Lahontan, présenté par Jacques Collin, Ed. L’Hexagone/Minerve, 1983, Montréal, 346 pages.
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MessageSujet: Re: Récits du 17e siècle en Nouvelle-France: Lahontan   Récits du 17e siècle en Nouvelle-France: Lahontan EmptySam 25 Juil 2009 - 12:36

Extraits de la lettre du 8 juillet 1686 … chasse à l’orignal…

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J'ai donc été obligé de marcher trente ou quarante lieues dans les bois pour faire la chasse de ces animaux, à laquelle j'ai trouvé que la peine du voyage tout au moins égale au plaisir. L'orignal est une espèce d'élan qui diffère un peu de ceux qu'on voit en Moscovie. Il est grand comme un mulet d'Auvergne, et de figure semblable, à la réserve du mufle, de la queue et d'un grand bois plat qui pèse jusqu'à trois cents livres et même jusqu'à quatre cents, s'il en faut croire les gens qui en ont vu de ce poids-là. Cet animal cherche ordinairement les terres franches. Le poil de l'orignal est long et brun, sa peau, forte et dure, quoique peu épaisse; et la viande délicate, surtout des femelles dont le pied gauche de derrière guérit du mal caduc, si il est permis de le croire. Il ne court ni ne bondit, mais son trot égale presque la course du cerf. Les Sauvages assurent qu'il peut en été trotter trois jours et trois nuits sans se reposer. Ces sortes d'animaux s'attroupent ordinairement à la fin de l'automne, et la bande grossit au commencement du printemps lorsque les femelles sont en rut, ensuite ils se séparent.

Voici comment nous fîmes cette chasse. Premièrement, nous allâmes jusqu'à quarante lieues au nord du fleuve Saint-Laurent, où nous trouvâmes un petit lac de trois ou quatre lieues de circuit au bord duquel nous cabanâmes avec des écorces d'arbres, après avoir ôté la neige qui couvrait le terrain où nous fîmes nos cabanes. Nous tuâmes, en chemin faisant, autant de lièvres et de gelinottes de bois que nous pûmes manger.

Dès que nous eûmes cabane, quelques Sauvages allèrent à la découverte des orignaux, les uns vers le nord et les autres vers le midi, jusqu'à deux ou trois lieues du cabanage. Dès qu'ils avaient découvert des pistes fraîches, un d'eux se détachait pour nous en donner avis, afin que toute la bande eût le plaisir de la chasse. Nous suivions quelquefois une lieue ou deux ces mêmes pistes; ensuite nous trouvions cinq, dix, quinze ou vingt orignaux ensemble, qui conjointement ou séparément prenaient la fuite et s'enfonçaient dans la neige jusqu'au poitrail. Si la neige était dure et condensée ou qu'il y eût quelque verglas au-dessus causé par un temps humide suivi de gelée, nous les joignions après un quart de lieue de poursuite, mais si elle était molle ou fraîchement tombée, nous étions obligés de les poursuivre trois ou quatre lieues sans les attraper, à moins que les chiens ne les arrêtassent dans les endroits les plus couverts de neige. Lorsqu'on les joint, on leur tire des coups de fusil; quelquefois ils entrent en fureur et viennent à la charge sur les Sauvages qui se couvrent d'un arbre pour se garantir de leurs pieds, avec lesquels ils les foulent jusqu'à les écraser. Dès qu'on les a tués, on fait de nouvelles cabanes sur le lieu même, avec de grands feux au milieu, pendant que les esclaves les écorchent et tendent les peaux à l'air.

Un des soldats qui m'accompagnaient me dit qu'il fallait avoir le sang d'eau-de-vie, le corps d'airain et les yeux de verre pour résister au grand froid qu'il faisait. Ce n'était pas sans raison, car nous étions contraints d'avoir pendant la nuit du feu tout autour de nous. Tant que la viande de ces animaux peut servir de provision, l'on ne songe guère à s'écarter, mais quand elle est finie on fait une nouvelle découverte et une même boucherie.

On fait cette chasse jusqu'à ce que les neiges et les glaces se fondent. Dès que le grand dégel commence, il est impossible d'aller loin; on se contente de tuer des lièvres, et des perdrix qu'on trouve en grand nombre dans les bois. Dès que les rivières sont libres, on travaille à faire des canots avec ces peaux d'élans qu'on coud facilement les unes aux autres, ensuite on couvre les coutures de terre grasse au lieu de goudron, et ce travail ne durant que trois ou quatre jours on se sert de ces canots pour revenir aux habitations avec tout le bagage.

Voilà, Monsieur, en quoi mon divertissement a consisté pendant trois mois que j'ai couru les bois. Au reste nous avons pris soixante-six orignaux et nous en aurions pu massacrer deux fois autant, si nous eussions fait une chasse d'intérêt, c'est-à-dire expressément pour les peaux. On les prend l'été de deux manières, quoiqu'avec bien de la peine, soit avec des lacets de corde qu'on pend entre deux arbres sur quelque passage qu'on a environné de broussailles, soit à coup de fusil par surprise en s'approchant d'eux par le dessous du vent, en rampant comme un serpent entre les arbres et les taillis.
On prend les cerfs et les caribous l'été et l'hiver de la même manière que les orignaux, à la réserve que le caribou qui est une espèce d'âne sauvage, s'échappe facilement par la largeur de ses pieds, lorsque la neige est un peu dure, au lieu que l'orignal est alors presque aussitôt forcé que levé. Au reste, j'ai pris un tel goût pour la chasse, que j'ai résolu de ne faire autre métier, pendant que j'en aurai le loisir; les mêmes Sauvages m'ont promis de me faire voir dans trois mois d'autres chasses moins pénibles et plus agréables.
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Source : Lahontan ; Nouveau voyages en Amérique septentrionale, Louis-Armand de Lom d’Arce, baron de Lahontan, présenté par Jacques Collin, Ed. L’Hexagone/Minerve, 1983, Montréal, 346 pages.
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MessageSujet: Re: Récits du 17e siècle en Nouvelle-France: Lahontan   Récits du 17e siècle en Nouvelle-France: Lahontan EmptySam 25 Juil 2009 - 12:36

Extraits de la lettre du 28 mai 1687 … la chasse…

...
Je partis au commencement de septembre pour aller à la chasse en canot sur quelques rivières, étangs ou marais qui se déchargent sur le lac de Champlain. J'étais avec trente ou quarante Sauvages très habiles en ce métier, et qui connaissent parfaitement bien les lieux propres à prendre les oiseaux de rivière et les bêtes sauvages.

Nous commençâmes à nous poster sur le bout d'un marais de quatre ou cinq lieues de circuit, et après avoir dressé nos cabanes, ces Sauvages firent des huttes sur l'eau en différents endroits. Au reste, ils ont des peaux d'oies, d'outardes et de canards séchées et remplies de foin attachées par les pieds avec deux clous sur un petit bout de planche légère, qu'ils laissent flotter aux environs de cette hutte de feuillages, où ils se renferment trois ou quatre, après avoir attaché leurs canots. En cette posture ils attendent les oies, les canards, les outardes, les sarcelles et tant d'autres oiseaux inconnus en Europe dont on voit ici des quantités surprenantes. Ceux-ci voyant ces peaux remplies de paille la tête levée imitant si bien le naturel, viennent aussitôt se poser au même endroit, et les Sauvages alors tirent dessus, les uns sur l'eau, les autres à la volée; ensuite ils se jettent dans leurs canots pour les ramasser. Ils les prennent encore avec des filets qu'ils tendent à plat à l'entrée des rivières sur la superficie de l'eau.

Nous nous lassâmes au bout de quinze jours de ne manger que des oiseaux de rivière, nous voulûmes faire la guerre aux tourterelles dont le nombre est si grand en Canada que Monsieur l'Evêque a été obligé de les excommunier plus d'une fois, par le dommage qu'elles faisaient aux biens de la terre. Nous nous embarquâmes pour aller à l'entrée d'une prairie où les arbres des environs étaient plus couverts de ces oiseaux que de feuilles, car comme c'était justement le temps que ces oiseaux se retirent des pays septentrionaux, pour aller vers le midi, il semblait que ceux de toute la terre avaient choisi leur passage en ce lieu-là. Je crois que mille hommes auraient pu s'en rassasier sans peine durant dix-huit ou vingt jours que nous séjournâmes.

Vous remarquerez qu'il passait un ruisseau par le milieu de cette prairie, tout le long duquel j'allais en compagnie de deux jeunes Sauvages tirer sur des bécasses, sur des râles et sur un certain oiseau gros comme une caille qu'on appelle batteur de faux, dont la chair est très délicate. Nous y tuâmes quelques rats musqués, qui sont de petits animaux gros comme des lapins et faits comme des rats, dont les peaux sont assez estimées, par le peu de différence qu'elles ont d'avec les castors; leurs testicules sentent si fort le musc qu'il n'y a point de civette ni de gazelle en Asie dont l'odeur soit si forte et si suave. On les voit soir et matin le nez au vent; c'est ainsi que ces petits animaux se font découvrir par les chasseurs, qui accourent vers le lieu où ils voient que l'eau frise. Les foutereaux, qui sont de petites fouines amphibies, se prennent de la même manière. Je vis encore de petites bêtes qu'on appelle siffleurs, parce qu'ils sifflent au bord de leur tanière pendant les beaux jours. Ils sont gros comme des lièvres, mais plus courts, la viande n'en vaut rien, mais la peau est très curieuse par sa rareté. Les Sauvages me donnèrent le plaisir d'en ouïr siffler un par reprise une heure entière; ensuite ils le tuèrent d'un coup de fusil.

J'étais si ravi de voir tant d'espèces d'animaux différents qu'ils voulurent me donner le plaisir tout entier. Pour y réussir ils cherchèrent des tanières de carcajous, et après en avoir trouvé quelques-unes à deux ou trois lieues de notre marais, ils m'y conduisirent. Nous nous postâmes à la pointe du jour ventre à terre, aux environs de leurs trous; pendant que quelques esclaves tenaient les chiens à une portée du mousquet derrière. Dès que les animaux commencèrent à voir l'aurore, ils en sortirent. Les Sauvages en même temps se jetant sur les tanières les bouchèrent en appelant les chiens qui les joignirent sans peine. Nous n'en vîmes que deux, quoiqu'il en fut sorti plusieurs autres, ils se défendirent vigoureusement contre les chiens. Le combat dura plus d'une demi-heure mais, à la fin, ils furent étranglés. Ces animaux sont à peu près faits comme des blaireaux, mais plus gros et plus méchants.

Si les chiens montrèrent leur courage en cette attaque, ils firent voir le lendemain leur poltronnerie envers un porc-épic que nous découvrîmes sur un arbrisseau que nous coupâmes, pour avoir le plaisir de voir tomber cet animal. Ces chiens n'osèrent jamais en approcher, non plus que nous, se contentant de japper alentour. Ils n'avaient pas tout le tort, car il lance ses poils longs et durs comme des poinçons jusqu'à trois ou quatre pieds de distance. A la fin on l'assomma, on le jeta sur le feu pour brûler tout ces petits dards, et lorsqu'il fut pelé comme un cochon, on le vida, ensuite on le fit rôtir, mais quoiqu'il fut extrêmement gras, je ne le trouvai pas si bon ni si délicieux que les gens du pays me l'avaient dit, en comparant cette viande aux chapons et aux perdrix.

Après que le grand passage des tourterelles eut cessé, les Sauvages me … proposèrent d'aller à quinze ou seize lieues plus avant dans le pays, en m'assurant qu'ils connaissaient l'endroit du monde le mieux situé pour y trouver du plaisir et du profit, et qu'on y prenait des loutres en quantité, et qu'ils tâcheraient de faire un grand amas de leurs peaux. Nous détendîmes nos cabanes, et après avoir embarqué notre bagage dans nos canots, nous remontâmes contre le courant de la rivière, jusque dans un petit lac... Nous cabanâmes à une lieue de ce petit espace de terre; et les Sauvages s'occupèrent, les uns à pêcher des truites et les autres à faire des pièges ou trappes pour prendre des loutres sur les bords de ce lac. Ces machines se font avec de petits piquets plantés en figure de carré long qui forment une petite chambre, dont la porte est soutenue par un piquet, au milieu duquel est attachée une corde passée dans une petite fourche où la truite est bien liée. Lorsque la loutre vient à terre et qu'elle voit cet appas, elle entre plus de la moitié du corps dans cette cage fatale pour avaler ce poisson; mais à peine y touche-t-elle que le piquet attiré par la petite corde qui tient l'appas, venant à tomber, la porte lourde et pesante chargée de bois lui tombe sur les reins et l'écrase. Ces Sauvages en prirent plus de deux cent cinquante pendant le temps que nous séjournâmes en cet endroit-là. Ces sortes de peaux sont incomparablement plus belles en Canada qu'en Moscovie, ni qu'en Suède.

Dès qu'ils eurent fait ces trappes, ils en donnèrent la direction à leurs esclaves qui ne manquaient pas tous les matins de faire le tour du lac, pour les visiter et prendre ces amphibies. Ils me menèrent ensuite à l'isthme que je viens de vous dire, où je fus fort étonné de voir une espèce de parc de pont d'arbres abattus les uns sur les autres entrelacés de broussailles et de branches, au bout duquel on trouvait un carré de pieux dont l'entrée était assez étroite. Ils me dirent qu'ils avaient coutume de faire en cet endroit-là de grandes chasses de cerfs, et qu'après qu'ils l'auraient un peu raccommodé, ils m'en donneraient le divertissement.

En effet ils me menèrent à deux ou trois lieues de là, par des chemins, à côté desquels je ne voyais que marais et étangs; et après s'être séparés, les uns d'un côté, les autres de l'autre, chacun avec son chien, je vis passer et courir quantité de cerfs qui allaient et venaient, cherchant des passages pour se sauver. Le Sauvage avec qui je demeurai m'assura que nous étions les seuls qui ne seraient pas obligés de courir à toute jambe, parce qu'il s'était posté sur le chemin le plus droit et le plus court. Il se présenta plus de dix cerfs devant nous, qui étaient obligés de rebrousser chemin plutôt que de se précipiter dans ces pays couverts de boue, d'où ils n'auraient jamais pu se retirer. Enfin, après avoir marché à grands pas, et couru de temps en temps, nous arrivâmes à notre parc, aux environs duquel plusieurs Sauvages étaient couchés ventre à terre, pour fermer la porte du carré de pieux lorsque les cerfs y seraient entrés. Nous y en trouvâmes trente-cinq, et si le parc eut été mieux fermé nous en tenions plus de soixante; car les plus légers sautèrent par dessus, au lieu d'entrer dans le réduit. Le carnage fut grand, quoique les femelles furent épargnées à cause qu'elles étaient pleines. Je leur demandai les langues et la moelle de ces animaux qu'ils m'accordèrent avec plaisir. La viande, quoique extraordinairement grasse, n'était délicate que vers les côtes seulement.

Ce ne fut pas la seule chasse que nous fîmes, car deux jours après nous allâmes à celle de l'ours; et comme ces peuples passent les trois quarts de la vie à chasser dans les bois, ils ont un talent merveilleux pour cet exercice-là, particulièrement celui de connaître les troncs d'arbres où ces animaux se nichent. Je ne pouvais me lasser d'admirer cette science, lorsqu'on marchant en forêt à cent pas les uns des autres, j'entendis un Sauvage qui criait: «voici un ours». Je leur demandai à quoi il connaissait qu'il y eût un ours dans l'arbre, au pied duquel il donnait des coups de hache; ils me répondirent tous que cela était aussi facile à découvrir que la piste d'un orignal sur la neige. Ils ne se trompèrent presque point en cinq ou six chasses que nous fîmes, car après avoir donné quelques coups aux arbres où ils s'arrêtaient, l'animal sortant de son trou se voyait criblé de coups de fusil. Les ours du Canada sont extrêmement noirs et peu dangereux, ils n'attaquent jamais, à moins qu'on ne tire dessus et qu'on ne les blesse. Ils sont si gras, particulièrement dans l'automne, qu'à peine ont-ils la force de marcher; ceux que nous prîmes l'étaient extraordinairement, mais cette graisse n'est bonne qu'à brûler, au lieu que la viande, et surtout les pieds, sont d'un goût exquis. Les Sauvages soutiennent que c'est la chair la plus délicate qu'on puisse manger. Pour moi j'avoue qu'ils ont raison.

Nous eûmes le plaisir en cherchant des ours de voir des martres et des chats sauvages sur des branches, auxquels animaux ils tirent à la tête pour conserver la peau. Mais ce que je trouvai de plus plaisant fut la stupidité des gelinottes de bois, qui étant perchées à troupes sur les arbres se laissaient tuer les unes après les autres à coups de fusil sans branler; les Sauvages les abattent ordinairement à coups de flèches, ils disent qu'elles ne valent pas une charge de poudre qui peut arrêter un orignal ou un cerf. J'ai fait cette chasse pendant l'hiver autour des habitations, usant d'une sorte de chien qui les sentant du pied de l'arbre se met à japper; alors je m'approchais et regardant sur les branches, j'y découvrais ces oiseaux.

Le dégel étant survenu, je fis une partie avec quelques Canadiens pour aller à deux ou trois lieues avant dans le lac expressément pour le seul plaisir de les voir battre des ailes. Je vous assure que c'est la chose du monde la plus curieuse, car on entend de tous côtés un bruit à peu près comme celui d'un tambour qui dure une minute ou environ. On est ensuite un demi-quart d'heure sans rien entendre, pendant qu'on s'approche vers le lieu d'où le bruit est venu, et ce même bruit recommençant on avance toujours en s'arrêtant de temps en temps, jusqu'à ce qu'enfin on découvre sur un arbre abattu pourri et couvert de mousse la malheureuse gelinotte, qui appelle son mâle, en battant si fort les ailes l'une contre l'autre qu'on entend ce bourdonnement d'un demi-quart de lieue. Cela ne dure que les mois d'avril, mai, septembre et octobre. Il faut remarquer que c'est toujours sur le même arbre qu'elles battent constamment sans changer, commençant le matin à la pointe du jour, et le soir une heure avant le coucher du soleil jusqu'à la nuit. Je vous avoue que je me suis contenté de voir et d'admirer plusieurs fois ce battement d'ailes, sans vouloir tirer dessus.
...

Source : Lahontan ; Nouveau voyages en Amérique septentrionale, Louis-Armand de Lom d’Arce, baron de Lahontan, présenté par Jacques Collin, Ed. L’Hexagone/Minerve, 1983, Montréal, 346 pages.
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